Comment faire une rupture conventionnelle ?

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I. QUAND PEUT-ON RÉGULARISER UNE RUPTURE CONVENTIONNELLE ?

La rupture conventionnelle n’est envisagée dans le code du travail que pour les seuls contrats à durée indéterminée.
Sont exclus de ce dispositif légal les contrats d’apprentissage et les contrats à durée déterminée lesquels ne peuvent être rompus, d’un commun accord, qu’en suivant des formes spécifiques.

La rupture conventionnelle peut intervenir à tous moments du CDI, même lorsque le salarié est en arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident du travail (Cass. soc. 28 mai 2014, n°12-28082), s’il bénéficie d’un congé sabbatique ou parental, ou d’un congé maternité (Cass. soc. 25 mars 2015, n° 14-10149).

II. QUEL FORMALISME, QUELLES CONDITIONS POUR LA RUPTURE CONVENTIONNELLE ?

A. UNE CONVENTION

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’employeur ou le salarié.

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat de travail.

B. UN OU DES ENTRETIENS PRÉALABLES

Les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens.

le salarié peut se faire assister :

  • 1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;
  • 2° Soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
    Il doit alors en informer son employeur dans un délai raisonnable. Lors du ou des entretiens (dans les faits deux sont conseillés, un seul entretien pouvant être considéré par l’administration comme la preuve de l’inexistence de réelles négociations au détriment du salarié et déboucher sur un refus d’homologation), l’employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l’employeur auparavant ; si l’employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié.
    Pour des raisons de preuve, il est conseillé de convoquer le salarié par écrit.
    La date de l’entretien doit être fixée de telle sorte qu’employeur et salarié puissent organiser leur assistance.Ni la loi ni la jurisprudence ne semble s’opposer à ce que l’entretien soit mené hors du temps de travail. En revanche, il est préférable de l’organiser sur le lieu de travail ou au siège de l’entreprise.

L’employeur peut se faire assister par :

  • 1° Une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise;
  • 2° Si l’entreprise a moins de 50 salariés, une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou un employeur relevant de la même branche d’activité.Il ne peut se faire assister par un avocat.

C. LES CONDITIONS

La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, montant qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité de licenciement prévue par la loi ou la Convention Collective applicable à l’entreprise. La convention fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation.
A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer un droit de rétractation ; ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.

A l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à la Direccte (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). L’administration dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions légales et de la liberté de consentement des parties. A défaut de réponse dans ce délai, l’homologation est réputée acquise.

Bien entendu la validité de la convention est subordonnée à son homologation.

Durant toute la procédure et jusqu’à la date fixée pour la rupture, le contrat de travail doit s’appliquer normalement, sauf si les parties en décident autrement. Si les parties le souhaitent, elles peuvent aussi négocier le sort de certaines clauses contractuelles ou de certains avantages dont bénéficiait le salarié. L’employeur est tenu informer le salarié sur les points suivants :

  • qu’il peut recueillir les informations et avis nécessaires à sa décision, notamment auprès de Pôle emploi ;
  • qu’il bénéficiera de l’assurance chômage ;
  • qu’il bénéficiera du régime social et fiscal de l’indemnité de rupture.

Il est préférable de faire figurer ces informations dans la convention de rupture de façon à permettre à la Direccte d’exercer son contrôle et aux parties de rapporter la preuve des  diligences accomplies.

D. LE MONTANT DE L’INDEMNITÉ DE RUPTURE

La base de calcul de l’indemnité est la même que pour l’indemnité de licenciement, c’est-à-dire la moyenne des 3 ou des 12 derniers mois de salaires bruts mensuels. L’employeur doit opter pour la base la plus favorable au salarié.

Le montant obtenu doit respecter les règles suivantes :

  • ne pas être inférieur à l’indemnité de licenciement prévue par l’article L 1234-9 du Code de travail (y compris pour les VRP et les journalistes qui bénéficient normalement d’un calcul plus favorable), soit 1/5e de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent 2/15e mois par année au-delà de dix ans d’ancienneté ;
  • l’indemnité fixée par la convention collective, si celle-ci est plus favorable que l’indemnité légale. Certaines conventions collectives prévoient une indemnité conventionnelle en cas de motif économique et une autre en cas de motif personnel. Dans ce cas, le montant de l’indemnité doit au moins être égal à l’indemnité légale si les deux indemnités conventionnelles sont inférieures. Si les deux sont supérieures à l’indemnité légale, elle doit être supérieure à la plus faible.
  • Dans le cas où le salarié a moins d’un an d’ancienneté, l’indemnité lui est due au prorata du nombre de mois de présence. Par exemple, s’il a 5 mois d’ancienneté la formule de calcul doit être : salaire brut mensuel moyen x 1/5e x 5/12e.

E. LE REGIME FISCAL ET SOCIAL DE L’INDEMNITÉ DE RUPTURE

L’indemnité de rupture conventionnelle est exonérée de CSG et de CRDS dans la limite du montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel, ou la loi.

Toutefois, l’indemnité est intégralement soumise aux cotisations de sécurité sociale ainsi qu’à la CSG et la CRDS lorsqu’à la date de la rupture effective du contrat de travail, le salarié serait en droit de liquider sa pension de retraite (taux plein ou non).

Une partie de l’indemnité est exonérée d’impôt sur le revenu lorsqu’elle n’excède pas :

  •  Soit le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédente. Si ce montant est dépassé, le montant exonéré est égal à 50 % du montant de l’indemnité, dans la limite de 6 fois le plafond de calcul des cotisations de sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités.
  • Soit le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.

Pour le salarié en droit de liquider sa pension de retraite, elle est exonérée d’impôt sur le revenu dans une fixée par décret.

III. SIGNATURE DE LA CONVENTION DE RUPTURE

On trouvera sans difficulté en ligne des modèles de convention de rupture.

Outre la convention un avenant peut venir régler les autres points abordés durant l’entretien.

Si la convention doit impérativement préciser le montant de l’indemnité de rupture versée au salarié et la date de la rupture du contrat, il n’y a pas lieu en revanche de faire état d’un différend ou de préciser pourquoi les parties recourent à la rupture conventionnelle.

La loi n’impose aucun délai particulier à respecter entre l’entretien et la signature de la convention ; La Cour de cassation a ainsi admis la validité d’une rupture conventionnelle qui avait été signée le lendemain de l’entretien préalable (cass. soc. 3 juillet 2013, n°12-19268, BC V n°178).

Pour autant, si le salarié prouve qu’il y a eu vice de son consentement dû à des pressions de l’employeur pour lui faire signer la convention de rupture, celle-ci pourra alors être jugée nulle.

IV. HOMOLOGATION PAR LA DIRECCTE

La convention, signée par chaque partie, doit être établie en trois exemplaires originaux, l’un d’eux étant destiné à la Direction départementale du travail et de l’emploi.

A compter de la date de signature de la convention, chaque partie dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter.

Tant que la convention n’a pas été homologuée par la Direccte, elle ne produit pas d’effets.

La demande s’effectue à l’aide du même formulaire que celui de la rupture conventionnelle que l’on trouvera également en ligne.

V. PAIEMENT DU FORFAIT SOCIAL PAR L’EMPLOYEUR

Depuis le 1er janvier 2013, l’employeur qui conclue un licenciement amiable avec un salarié, doit payer le forfait social de 20 % sur la part de l’indemnité exonérée de cotisations sociales. Il est cependant fixé à 8 % pour :

  • les contributions destinées au financement des prestations de prévoyance complémentaire versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit (entreprises à partir de 10 salariés),
  • la réserve spéciale de participation dans les sociétés coopératives ouvrières de production (Scop).

Cette contribution a pour but de limiter les cas où la rupture conventionnelle est un artifice pour masquer un licenciement.

VI. LA RETRACTATION

A partir de la date de signature de la convention, employeur et salarié disposent d’un délai de 15 jours pour se rétracter. Ce délai, qui comptabilise tous les jours de la semaine (y compris le samedi et le dimanche), démarre au lendemain de la date de signature de la convention et se termine au 15e jour à 24 heures.

Lorsque les délais expirent un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ils sont prorogés jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

La rétractation doit s’effectuer de préférence sous forme de lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé mentionnant la date de remise.

Son auteur n’a pas à en expliquer les raisons.

Dès lors qu’une des parties s’est rétractée dans le délai de 15 jours, le contrat de travail continue son cours.

VII. L’HOMOLOGATION PAR LA DIRECCTE

A. LA DEMANDE

A compter de la réception de la demande d’homologation adressée au plus tôt le lendemain de la fin du délai de rétractation, la Direccte dispose de 15 jours pour prendre une décision.

Lorsque le dossier est complet, il va adresser un courrier aux parties. Celui-ci précise que le délai d’instruction est ouvert et qu’à défaut de décision rendue dans ce délai, l’homologation est réputée acquise.

Si l’employeur et le salarié transmettent chacun une demande d’homologation pour la même convention de rupture, le délai d’instruction court à compter de l’arrivée de la demande parvenue en premier.

Pour homologuer la convention de rupture, la Direccte va vérifier que les garanties prévues par la loi ont été respectées, que le consentement des parties est libre et que la rupture conventionnelle ne s’inscrit pas dans une démarche visant à contourner des procédures et des garanties légales (période de protection de l’emploi en cas d’accident du travail, maladie professionnelle, maternité, procédure de licenciement engagée, etc.).

A cet effet, il va étudier soigneusement les points suivants :

  • les informations relatives aux parties : identité et adresses des parties à la convention ;
  • l’ancienneté du salarié calculée, en années et en mois, à la date présumée de la rupture du contrat de travail ;
  • les éléments de rémunération, en particulier les 12 derniers salaires bruts versés au salarié, afin de pouvoir déterminer la base de calcul de l’indemnité ;
  • la tenue d’au moins un entretien ;
  • le ou les assistant(s) des parties à l’entretien : les conditions d’assistance et la qualité des assistants doivent être conformes aux dispositions légales ;
  • la signature de la convention de rupture ;
  • l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;
  • la date envisagée de rupture du contrat, qui doit être cohérente au regard des délais (de rétractation et d’instruction) ;
  • le respect du droit de rétractation.

B. LE DE REFUS D’HOMOLOGATION

Lorsque l’homologation est refusée, les parties restent liées par le contrat de travail, qui continue à s’exécuter dans les conditions habituelles. L’employeur, le salarié voire les deux peuvent saisir le Conseil de Prud’hommes. Rien ne leur interdit non plus de régulariser leur convention et de présenter une nouvelle demande d’homologation.

VIII. APRÈS L’HOMOLOGATION DE LA CONVENTION DE RUPTURE CONVENTIONNELLE : LA CONTESTATION EVENTUELLE

Après homologation, la convention emporte rupture du contrat de travail.

Toutefois, l’employeur ou le salarié peuvent contester judiciairement la convention ou les conditions de son exécution.

Par exemple, un salarié peut contester le faible montant de son indemnité de rupture conventionnelle, par rapport au montant des indemnités versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi mis en œuvre après la rupture conventionnelle de son contrat de travail.

La rupture conventionnelle d’un contrat de travail doit être contestée devant le Conseil de prud’hommes, cependant, pour les salariés protégés, le recours doit s’exercer devant le Ministre du travail et/ou le tribunal administratif.

L’action en justice doit obligatoirement être exercée dans un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention de rupture. Si le délai de douze mois est expiré, toute demande de contestation d’une rupture conventionnelle sera déclarée irrecevable.

On notera que la Cour de Cassation a été amenée à juger récemment que « la stipulation par les deux parties d’une indemnité dont le montant est inférieur à celle prévue par l’article L. 1237-13 du code du travail (…) n’entraîne pas, en elles-mêmes, la nullité de la convention de rupture ».

En cas d’erreur il appartient alors à la juridiction saisie « de rectifier la date de la rupture et de procéder, en cas de montant insuffisant de l’indemnité de rupture conventionnelle, à une condamnation pécuniaire ». (Cass Soc. 8 juillet 2015, pourv. n° 14-10139)

NB : LES SALARIÉS PROTÉGÉS

Pour les salariés protégés la procédure à suivre s’apparente à celle du licenciement à savoir :

  • Consultation du CE
  • Accord de l’Inspection du Travail (le défaut de réponse dans le délai de deux mois vaut rejet)